Au cœur de l'île Maurice, une autre facette de sa biodiversité se dessine à travers ses ruelles animées et ses plages pittoresques. Les chiens errants, surnommés Maurichiens, sont une présence constante, des plages aux rues urbaines. Cet article explore la réalité de ces quelque 300 000 chiens sans maître, les défis qu'ils affrontent et les initiatives de protection animale déployées pour améliorer leur condition. Découvrez les enjeux et les efforts consacrés à ces compagnons négligés.
Il s'agit de ces chiens jaunes, les chiens de plage ou de champs canne, les roquets… On les croise partout, la truffe collée au sol, affairés autour des poubelles sur la plage, allongés sur les trottoirs à observer la vie qui passe devant eux, traversant la route avec bravade, aboyant après les roues des cyclistes, en bande ou solitaires, le poil abîmé, les côtes saillantes. Ce sont les chiens de Maurice.Â
Les décomptes sont assez aléatoires, mais l'ensemble des acteurs de la protection animale s'accordent sur le chiffre d'environ 300 000 chiens de rue répartis sur l'île. Ce qui ne semble guère exagéré au vu des nombreux messages postés sur les réseaux sociaux signalant chaque jour la découverte de portées au détour d'un champ de canne, d'un chantier de construction ou d'une promenade sur la plage.
Pour les bénévoles sensibles à cette cause, c'est toujours le même constat : les femelles non stérilisées mettent sans arrêt au monde des portées, dès leur plus jeune âge. « Nous voyons sans cesse des chiennes mettre bas et se retrouver avec au minimum 5 chiots, quand ce ne sont pas 10 voire 13 boules de poil mises au monde », soupire Lorena Gaus, fondatrice avec son mari vétérinaire Keyur Patel de l'association Animal Rescue House en 2023.
Une maltraitance courante
Dans le cabinet vétérinaire de ce refuge situé Plaine des Papayes, les soins se succèdent pour les animaux domestiques et pour ceux que la chance a abandonnés. Une soixantaine de chiens sont ainsi hébergés en attendant une famille attentive et responsable. « Nous en gardons cependant une vingtaine avec nous, car trop vieux, trop mal en point, trop abîmés », précise Lorena. Les histoires sordides sont innombrables : les sauvetages de chiens maltraités, affamés par leurs maîtres, enchaînés lourdement sont courants. Les promeneurs réguliers des plages le savent bien et repèrent rapidement les nouveaux venus déambulant dans un cadre idyllique, chiots jetés dans des cartons ou chiens effrayés et totalement perdus car abandonnés subitement par leur famille. En cas de maltraitance avérée dans le voisinage, il est possible de le signaler aux autorités, le plus efficace restant malheureusement la pression redoutable des réseaux sociaux pointant du doigt le maître négligent.
Un système bien organisé
Cela pousse souvent les personnes sensibles à la cause animale à s'investir dans le quotidien difficile de ces chiens. On peut donc croiser régulièrement des promeneurs armés de gamelles d'eau et de sacs remplis de croquettes sur les plages, attentifs à procurer de quoi subsister aux habitués du coin. Les bénévoles savent s'organiser pour veiller à ce que les chiens repérés puissent bénéficier d'un suivi régulier, communiquent avec les associations pour signaler les cas problématiques et soigner au mieux les chiens en très mauvaise santé. Mais cet engagement doit être dans l'intérêt de l'animal : à nourrir au même endroit toute une meute de chiens, le risque est de créer des groupes incontrôlables, où les chiens n'auront de cesse de se reproduire.
La clé : la stérilisation
C'est bien le problème majeur aujourd'hui : la multiplication effrénée des naissances. « Le seul moyen de lutter contre la progression exponentielle des chiens de rue aux vies difficiles est la stérilisation massive. Or, les mentalités peinent à changer sur l'île à ce sujet : entre ceux freinés par leurs convictions religieuses, ceux qui ne se sentent pas concernés, ceux ayant un mâle qui estiment que ce n'est pas nécessaire et ceux qui ont des idées reçues sur le sujet, le réflexe de la stérilisation a du mal à s'ancrer à Maurice. Heureusement, les jeunes générations commencent à évoluer sur la question ; par ailleurs, il faut rappeler que stériliser un jeune chien n'a aucune incidence sur son caractère ou son physique. Un chien stérilisé ne grossit que s'il est trop nourri ou pas assez promené, voire les deux ! », rappelle Lorena.
Les bénévoles ont donc une mission primordiale : s'assurer que les animaux pris en charge soient stérilisés.
Des campagnes gratuites
Pour cela, plusieurs choix sont offerts. Il existe d'abord la possibilité de s'enregistrer auprès de la MSAW (Mauritius Society for Animal Welfare) afin de récupérer un voucher gratuit auprès des cliniques agréées. Le processus est assez lent, mais fonctionne très bien pour les familles qui possèdent un ou plusieurs chiens. Des vétérinaires offrent également souvent leur temps et leurs fonds propres pour se rendre dans les espaces où les meutes de chiens leur sont signalées, ainsi que dans les villages pour sensibiliser et offrir ce service en porte-à -porte. Enfin, la meilleure option est, lorsque l'on adopte un chien, de prendre rendez-vous rapidement en clinique pour stériliser son compagnon poilu. L'opération est rapide et indolore, la cicatrisation prenant une petite semaine.Â
La bonne pratique pour les bénévoles est donc de s'assurer en premier lieu que les chiens qu'ils aident soient pris en charge par une clinique aussi vite que possible. Les chiens opérés sont vite reconnaissables : une oreille coupée d'un léger triangle ou un tatouage S dans l'oreille sont des signes que tout est en ordre.
Craquer pour l'adoption ?
Face à toutes ces bouilles poilues aux grands yeux toujours un peu tristes, il est très tentant de vouloir adopter. Cette race résistante à tout et très résiliente est facile : ce sont des chiens fidèles et attachés envers et contre tout à leurs maîtres, un peu têtus, vifs et plutôt obéissants dès lors qu'ils sont dressés. Mais attention : si craquer à la sortie d'un supermarché où de petits chiots adorables sont mis à l'adoption ou en visitant un refuge surpeuplé est très facile, c'est une responsabilité certaine, et pour de nombreuses années. Les histoires de maîtres aimants laissant leurs chiens derrière eux à Maurice lors du retour au pays sont légion, au désespoir des refuges qui voient arriver des chiens désorientés qui en une journée ont tout perdu. On ne le répétera jamais assez : un animal reste fidèle à sa famille jusqu'à sa mort, le délaisser est d'une cruauté inouïe.
Que faire en cas d'accident ?
Il est courant d'assister à des accidents impliquant des voitures et des chiens. Le réflexe le plus évident est d'emmener le chien dans une clinique vétérinaire qui saura prendre en charge l'animal. Si cela est impossible, il est nécessaire de prendre une photo de l'animal et d'envoyer un point de localisation GPS soit aux associations, soit aux groupes Facebook nombreux sur le sujet afin d'être certain que les bénévoles retrouveront le chien percuté.Â
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