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Célébrer la Journée du Travail à Maurice

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Écrit parOummé Deedarun-Guérinle 16 Avril 2025

Chaque 1er mai, Maurice se distingue par une ambiance particulière. La Journée du Travail, bien plus qu'un simple jour férié, est un moment de mémoire collective, de rassemblements et de détente. Entre les commémorations en hommage aux figures historiques du mouvement ouvrier, les traditionnels meetings politiques et les escapades en famille sur les plages de l'île, cette journée met en lumière la richesse de notre culture sociale et populaire.

Aux origines de la Fête du Travail à Maurice

La première célébration officielle du 1er mai comme jour férié à Maurice remonte à 1950. Cette reconnaissance est le fruit de longues luttes syndicales et politiques menées par des personnalités telles que Guy Rozemont, le Dr Maurice Curé, Pandit Sahadeo et Emmanuel Anquetil. Le tout premier rassemblement a eu lieu en 1938 au Champ de Mars, marquant ainsi les débuts d'une tradition aujourd'hui profondément ancrée dans l'histoire sociale mauricienne.

Les années 1940 ont constitué un tournant majeur. C'est à cette époque que les premiers syndicats organisés sont apparus. L'effervescence sociale se manifestait par des grèves, des rassemblements et une prise de conscience progressive des enjeux de classe. Le contexte économique difficile, les conditions de travail précaires et l'absence de législation protectrice ont intensifié les revendications.

À cette époque, Maurice est encore une colonie britannique, sous la domination d'un gouverneur centralisé, représentant direct de la Couronne. Dans ce cadre colonial, les luttes syndicales ont pris une double portée : obtenir des droits pour les travailleurs tout en réclamant une plus grande représentativité politique. Le mouvement ouvrier est devenu un levier d'émancipation collective, jetant les bases d'un futur projet de société plus juste et autonome.

Le rapport Orde Browne, publié en 1943 à Londres, confirmait la réalité sociale : une main-d'œuvre sous-payée, mal nourrie et en mauvaise santé. Suite à ce rapport, le gouverneur Mackenzie-Kennedy a engagé plusieurs réformes, dont la création d'un Labour Advisory Board et la révision de l'Ordonnance de 1938 pour intégrer des mécanismes de conciliation des conflits du travail.

Les figures historiques du mouvement ouvrier

Plusieurs personnalités ont marqué l'histoire du syndicalisme à Maurice. Emmanuel Anquetil, militant syndical et politique, a joué un rôle clé dans la structuration du mouvement ouvrier. Fondateur du Parti Travailliste avec Maurice Curé en 1936, il a milité sans relâche pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. Ses idées, inspirées par le modèle britannique, ont largement influencé l'orientation sociale du pays.

Guy Rozemont, figure charismatique du Parti Travailliste, a pris la relève dans les années 1940 et 1950. Son discours politique et social a trouvé un large écho au sein des classes populaires. Il a œuvré pour une réforme électorale et une meilleure représentation des travailleurs dans les instances décisionnelles.

Autre figure emblématique : Anjalay Coopen, ouvrière agricole tuée en 1943 lors d'une manifestation à Belle Vue Harel. Enceinte de plusieurs mois, elle est devenue un symbole de la résistance ouvrière et du prix payé pour les droits aujourd'hui acquis. Son nom reste indissociable de l'histoire du 1er mai à Maurice.

Ces personnalités, parmi d'autres, ont contribué à l'élaboration d'un modèle social fondé sur l'équité, l'accès à l'éducation, la santé publique gratuite et les droits syndicaux. Leurs luttes ont jeté les bases de l'État-providence mauricien.

Une journée entre engagement et détente

Aujourd'hui, le 1er mai conserve une double dimension à Maurice. D'un côté, les partis politiques organisent traditionnellement des meetings, dans la continuité d'une pratique bien ancrée. Ces rassemblements, bien qu'orientés politiquement, sont un moment de mobilisation publique. Les discours abordent des enjeux économiques, sociaux et parfois identitaires, souvent dans une ambiance festive.

En parallèle, de nombreux Mauriciens profitent de cette journée pour organiser des sorties : barbecues et pique-niques sur la plage ou en famille, chez soi. La Journée du Travail devient aussi un moment de détente, coïncidant avec les derniers jours de l'été austral.

Cette tradition de loisirs du 1er mai n'est pas propre à Maurice, mais elle prend ici une forme singulière. La présence des plages, la douceur du climat et le rythme particulier de l'île transforment cette journée en parenthèse.

Une célébration partagée à travers le monde

Le 1er mai est une date importante bien au-delà des frontières mauriciennes. Dans la plupart des pays d'Europe, d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique, la Journée internationale des travailleurs est célébrée par des manifestations et défilés. Elle tire son origine des revendications portées par les syndicats américains à la fin du XIXe siècle, notamment celles liées à la journée de travail de huit heures.

Des événements majeurs, comme les émeutes de Haymarket à Chicago en 1886, ont marqué l'histoire de cette célébration. Depuis, elle est devenue un moment symbolique pour les travailleurs du monde entier.

En France, le 1er mai, associée à la tradition du muguet, est l'occasion de manifestations syndicales dans les grandes villes. En Italie, la place San Giovanni à Rome accueille chaque année un grand concert gratuit. À Cuba, la place de la Révolution rassemble des dizaines de milliers de personnes. En Indonésie, les cortèges sont animés par des slogans revendicatifs et des spectacles artistiques. Chaque pays célèbre à sa manière, en fonction de son histoire et de ses réalités sociales.

Une double mission : préserver la mémoire et adapter le message

Maurice, avec sa propre histoire sociale et politique, inscrit le 1er mai dans une dynamique qui lui est propre. Si les formes de mobilisation ont évolué, si le rôle des syndicats semble aujourd'hui moins central qu'il ne l'était au milieu du XXe siècle, la signification de la Journée du Travail reste vivace.

La difficulté actuelle consiste à préserver cette mémoire tout en la rendant pertinente face aux réalités contemporaines : transformation du monde du travail, montée de l'emploi informel, numérisation, mobilité professionnelle. Le 1er mai doit rester un moment de reconnaissance du rôle essentiel des travailleurs dans le développement du pays, mais aussi une invitation à repenser les moyens d'expression et de solidarité.

Dans ce contexte, la valorisation des figures historiques du syndicalisme mauricien joue un rôle clé. Leur parcours rappelle que les droits sociaux ne sont jamais acquis définitivement et qu'ils résultent d'un long processus de mobilisation collective. Redonner du sens à cette journée, c'est aussi reconnaître que chaque génération doit, à sa manière, continuer à défendre la dignité au travail.

En repensant cette journée, chaque génération doit continuer à revendiquer la dignité au travail, en s'inspirant des luttes passées tout en tenant compte des normes d'aujourd'hui.

Ile Maurice
A propos de

Après une carrière en informatique en France, j’ai choisi de revenir à l’île Maurice, où je suis née, avec mon mari et mes deux enfants en 2011. Depuis près de 10 ans, je travaille comme rédactrice de contenu web et traductrice indépendante.

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