Apprentissage des jeunes en Allemagne
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Apprentissage des jeunes en Allemagne
Lexemple vertueux dune gestion par les entreprises et non lÉtat
LAllemagne connaît un taux de chômage des jeunes (16-25 ans) trois fois moins élevé que celui de la France (7.7 % contre 26.2 %). Lune des causes de cette différence est le système dapprentissage allemand.
Lapprentissage en Allemagne est décentralisé et il est conçu par les entreprises en fonction de leurs besoins.
En Allemagne, le nombre dapprentis est beaucoup plus élevé quen France : 1.570.000 contre 421.000.
Contrairement à la France, lEtat et le ministère de lEducation allemand jouent un rôle très mineur dans lapprentissage des jeunes.
Afin de baisser le chômage des jeunes, la France devrait sinspirer du modèle allemand en confiant la formation des jeunes exclusivement aux entreprises.
Sommaire
>Un système décentralisé de formation
>Un système souple
>Le cas de lingénierie : les entreprises de la VDMA
>Pourquoi le système marche-t-il mieux
>Importer le modèle allemand ?
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Alors que la France connaît un taux de chômage des 18-25 ans de plus de 26 %, en Allemagne ce chiffre se situe autour des 7 % et ne dépasse pas sur une longue période une fois et demie le chômage des adultes (contre 3 fois pour la France). Serait-ce une question de formation ?
En Allemagne le nombre de diplômés universitaires est pourtant assez peu élevé, en comparaison avec la France. En revanche, le niveau de la qualification dispensée en cursus secondaire dapprentissage semble bien meilleur. Tandis que le taux dactifs non qualifiés est moitié moindre (15%) que celui (ou : selon la) de la moyenne de lOCDE. Il est vrai que 60% environ des jeunes apprentis sont embauchés après lobtention de leur diplôme.
Beaucoup danalystes voient dans ce système allemand dapprentissage une cause majeure du faible chômage des jeunes. On comprend alors lengouement en France pour ce qui apparaît comme une sorte de « modèle » venu doutre-Rhin. Mais sur quoi repose ce modèle ? Comment en expliquer le succès ? Est-il importable en France ?
Un système décentralisé de formation
En Allemagne les apprentis passent en majorité par le système dit « dual ». Ce dernier consiste à combiner, sur 3 ans en moyenne, un apprentissage en entreprise (généralement 3 jours par semaine) avec lenseignement théorique de lécole à hauteur de 20 % du temps : approximativement 12 heures par semaine (dont les deux tiers consacrés à létude théorique de leur métier, et un tiers à des disciplines générales). Chaque année 1,6 millions dapprentis profitent de ce système. Et plus de la moitié des actifs ont acquis un diplôme professionnel.
Lidée première est de sassurer que les apprentis ne soient pas gavés de connaissances exclusivement « théoriques » du métier, donc nécessairement détachées de la réalité du travail en entreprise, mais quils acquièrent une réelle « compétence daction » (Handlungskompetenz). La notion de métier est fondamentale : cest « un ensemble structuré et cohérent de connaissances et de compétences techniques, acquises dans un champ professionnel donné, reconnu au niveau national et légitimé collectivement par tous les acteurs socio-professionnels dune même branche » (Lasserre 2011).
Le système fonctionne selon le principe de subsidiarité : les Allemands considèrent quil appartient logiquement aux entreprises de gérer leurs besoins en termes de nouvelles compétences. LÉtat, contrairement à la France, très éloigné de la vie des entreprises na donc quun rôle mineur à jouer dans le processus. Il se contente de poser les règles minimales. Cette responsabilisation naturelle de lentreprise donne à cette dernière la latitude pour gérer au mieux, de manière décentralisée, ses besoins en la matière, que cela soit en termes quantitatifs (nombre de nouveaux apprentis nécessaires) ou qualitatifs (contenu des compétences).
"Lappariement" entre offre et demande de compétence est donc optimisé. Si une grande majorité des grosses entreprises (plus de 500 salariés) intègrent des apprentis, ce sont en revanche les PME qui sont à lavant-garde en la matière. Un quart des 3,5 millions entreprises allemandes investissent dans lapprentissage. Mais les organisations professionnelles participent elles aussi, par exemple, en leur fournissant des locaux de formation.
Un système souple
Ce sont près de 350 métiers qui sont reconnus dans ce système. Cependant, il ne faut pas y voir une forme de carcan dont on ne pourrait sortir : le système permet en effet de lancer des passerelles vers des qualifications complémentaires, que ce soit luniversité ou dautres métiers. En outre, au-delà des connaissances techniques, ce sont aussi des connaissances « sociales » qui y sont inculquées, elles-mêmes adaptables à des contextes de métiers différents. Par ailleurs, si la reconnaissance (?) (ou la perception dune vocation, ou lidentité professionnelle ?) est fortement liée à lentreprise daccueil, cela nempêche pas les échanges entre entreprises.
La souplesse de ce système décentralisé autorise en effet le recours à des solutions institutionnelles variées pour sadapter aux besoins. Les entreprises peuvent ainsi créer une association qui va recruter et partager des apprentis (Ausbildungsverein). Une entreprise peut également envoyer ses apprentis se former en partie dans des entreprises avec lesquelles elle a signé un partenariat, sur la base dun partage des coûts (Leitbetrieb mit Partnerbetrieben). Les entreprises ont encore la possibilité de créer un « consortium » de formation, les apprentis ayant ainsi des contrats dapprentissage avec chaque entreprise et passant de lune à lautre pour leur formation pratique (Ausbildungskonsortium). Ce contexte de formation multi-entreprises permet daccroître la diffusion du savoir-faire et le partage des connaissances.
Cette implication directe de lentreprise, notamment selon des schémas relativement souples de coopérations inter-entreprises, fait progresser (ou glisser ?) de manière relativement fluide les compétences dispensées en fonction de lévolution technique du côté de la production, mais aussi de lévolution de la demande finale et de la concurrence. Ce processus est essentiel non seulement pour accompagner linnovation mais la préparer : cest sans doute lun des secrets de linnovation allemande (alors quun système bureaucratisé aura nécessairement un temps de retard dans son adaptation).
Toujours dans la tradition allemande des relations sociales, les entreprises travaillent étroitement avec les syndicats, afin dobtenir une forme de consensus social sur le contenu des formations, les conditions de travail, les standards, la supervision etc. Que cela se passe au niveau lentreprise elle-même, au niveau professionnel ou interprofessionnel, et au niveau fédéral ou régional des instances syndicales, cest la concertation qui prime. Cest sans doute au niveau de la branche que lessentiel se joue en la matière.
Les entreprises étant au cur du système, elles en financent 92%. En France, la taxe dapprentissage ne couvre que 50% du financement de celui-ci. La différence pour le contribuable est substantielle. Selon lIfrap, en 2010 les länders ont dépensé 1875 euros environ par apprenti, alors quen 2008 chaque apprenti français coûtait 9000 euros à la dépense publique.
Le cas de lingénierie : les entreprises de la VDMA
Pour mieux comprendre le système, nous avons interviewé des responsables de la politique éducative de la puissante Verband Deutscher Maschinen und Anlagenbau ou VDMA, lassociation des entreprises allemandes du secteur de lingénierie machine et usine, un secteur moteur de la dynamique économique allemande. Selon le Dr. Jörg Friedrich et le Dr. Norbert Völker, en 2010, les sociétés membres de la VDMA ont eu un taux dapprentis de 7,6% lui-même supérieur à la moyenne du secteur (6,7%) et aux entreprises allemandes dans leur ensemble (5,3%). Ce chiffe relativement élevé dans leur secteur peut sexpliquer par le fait que la formation professionnelle y est réellement cruciale. Même si la VDMA nest pas elle-même directement impliquée dans la formation des apprentis, elle peut intervenir lors de lélaboration des contenus des cursus.
Signe du succès de ce système dans le secteur, le taux de décrochage (proportion de jeunes ne finissant pas leur formation) y est inférieur de 10 % (20% en moyenne en Allemagne. Dans la mécatronique le taux tombe à 7,3%. Le taux dembauche dans lentreprise, ayant dispensé une formation dapprentissage, est élevé.
Pour ces responsables, le succès du système allemand tient dans la combinaison de la théorie et de la pratique du processus éducationnel, qui conduit à une grande motivation, notamment dans les métiers de lingénierie. En raison de limplication directe des entreprises dans la formation professionnelle et léducation, le système se développe de manière continue.
Cependant, lassociation considère que la pérennité du système est fragilisée par le fait que la moitié des jeunes sortant du système scolaire se dirigent vers luniversité. Cette tendance conduit à une pénurie croissante de travailleurs qualifiés. La VDMA oriente donc actuellement une partie de ses efforts vers la promotion de limage de lapprentissage pour en restaurer la réputation.
Pourquoi le système marche-t-il mieux
Conceptuellement, le système allemand marche mieux pour deux raisons essentielles.
> 1. Premièrement, en matière de formation, le problème de "lappariement" entre, dun côté les besoins des entreprises, et de lautre, les compétences des jeunes recrues, pose un problème de connaissance. Les entreprises ont, elles, la connaissance directe évidente de leurs besoins, mais aussi du terrain. Dans ce contexte, un système « décentralisé » reposant sur les entreprises a toutes les chances de savérer supérieur à un système « centralisé » chapeauté par lÉtat et les régions. Exactement comme léconomie de marché est supérieure à léconomie planifiée, parce que les ingénieurs du plan nont pas les connaissances du terrain nécessaires à la prise des bonnes décisions.
> 2. Deuxièmement, dans une économie de marché les décideurs qui nont pas de contact avec le terrain peuvent évidemment se tromper. Cependant les incitations propres au marché, en termes de profits et pertes imputés directement à ces décideurs économiques, permettent de réorienter assez rapidement les décisions et de corriger les erreurs. Dans un système centralisé en revanche, les « bureaucrates » ne sont que peu exposés à des sanctions, si leurs décisions savéraient erronées. Lincitation pour eux à prendre de bonnes décisions est effectivement très faible. On voit donc quà laune du problème de lincitation, le système décentralisé paraît ainsi supérieur au système centralisé pour ce qui concerne la question de lapprentissage.
La coordination entre les besoins des entreprises en matière de compétences et la formation des jeunes sera plus performante si elle est décentralisée, et sans intermédiaire.
Importer le modèle allemand ?
Lors des échanges récents entre la France et lAllemagne il a été proposé que la première sinspire du modèle allemand. Malheureusement « sinspirer » ne reviendrait quà « copier » un élément du système allemand pour le « coller » dans le système français dans lequel, à la vérité, il sinsèrerait mal.
Chaque système est en réalité fondé sur des complémentarités entre ses différentes composantes, issues dun processus dévolution historique. Les complémentarités vont même plus loin que le système de formation lui-même : ce dernier sinsère en effet dans toute une culture de léducation, de lentreprise et des relations sociales. Il est impossible den faire abstraction. Il y a donc fort à parier quune démarche de « copier-coller » partiel ne ferait que rendre le système français encore plus complexe, sans quil bénéficie réellement des avantages du modèle allemand.
À bien des égards le système éducatif français tend globalement vers la conception « planifiée » de la production de compétences. Lidée du collège unique, ou encore de 80% dune génération au bac, participe de cette vision très centralisatrice, dans laquelle un ministre ou un technocrate « décide » du niveau de compétence requis par léconomie.
PS:exellents articles sur le dual systéme  jean lucÂ
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