Aujourd’hui, cette insécurité disparaît peu à peu, mais le pays n’en demeure pas moins instable, ce qui est tout a fait normal en période de transition.
« Le problème aujourd’hui, c’est que tout le monde veut se réapproprier ce qui appartient à l’État, et donc ce que Ben Ali a volé, mais malheureusement, on est en plein début de la création de la “Faoutha” qui signifie anarchie en arabe. »
Ce que craint Chahrazed, cÂ’est que la Tunisie se transforme en dictature du peuple.
« Après la chute du régime, il y a eu une période où tous les patrons étaient considérés comme des corrompus et beaucoup de salariés ont licencié leurs chefs. C’était le cas par exemple d’une entreprise du secteur public où le gouvernement provisoire a donné raison aux salariés. »
En effet, de peur d’être assimilé à l’ancien régime, le gouvernement provisoire cède presque tout aux manifestants.
« Des manifestants sont sortis dans la rue pour réclamer une allocation chômage, car ça n’existait pas avant. Le gouvernement a accepté de leur allouer tout d’abord 150 DT [environ 75 euros] puis 200 DT.
Sauf qu’il existe en Tunisie des employés qui sont moins payés que cette allocation. Du coup eux aussi sont également sortis dans la rue pour réclamer une augmentation.
Et ça risque d’aller crescendo, débordements, manifs, etc.
Pour le moment, nous n’avons pas de gouvernement stable qui prenne des décisions collégiales. »
Pour la jeune expatriée, il faudrait dans l’immédiat que tout le monde retrousse ses manches: « Nous avons besoin que les Tunisiens du monde entier apportent leur pierre à l’édifice. Que des investisseurs étrangers reviennent, et que le tourisme reprenne. »
Et d’ajouter qu’« il ne faut pas que d’une potentielle démocratie belle et rayonnante naisse un chaos ou un régime totalitaire ».
Selon elle, pour que la contagion soit productive, il faut que les tunisiens se prennent en main et qu’ils ne sabotent pas eux-même leur révolution.
Le « Dégage, dégage » à tout bout de champ n’est pas une solution.
« On ne peut pas demander la démission à chaque mot de travers, c’est contreproductif. Il faut laisser libre cours au pluralisme, à la discussion, pour arriver à un consensus et à parler d’une seule voix. »
C’est ainsi, selon elle, que la Tunisie redonnera confiance à l’extérieur, en prouvant que la situation est bonne, saine et positive. « Alors oui cette révolution a un côté exaltant, une page de l’histoire s’est écrite sous notre plume et c’est juste un sentiment incommensurable. Mais tout reste encore à construire… »
Widad Kefti (Tunis)