Alors que la lutte contre le trafic de drogue s'intensifie, quelles mesures prennent les États pour interdire et réguler la consommation de drogue et d'alcoolÌý? Les deux substances ne sont pas logées à la même enseigne et font l'objet d'une réglementation différenciée. Décryptage.
Ìý
DroguesÌýen Chine : tolérance zéro
La Chine applique une réglementation drastique en matière de lutte contre la drogue et accentue ses contrôles sur les passagers en provenance de pays ayant légalisé la consommation de certaines drogues, comme le Canada ou la Thaïlande. C'est d'ailleurs en revenant de Thaïlande qu'un expat s'est vu interpeler par les autorités chinoises. Son cas ne tarde pas à faire le tour de la presse internationale. Car l'étranger interpelé est un cadre de Volkswagen. Rentré en Chine après un séjour en Thaïlande, Jochen Sengpiehl, directeur du marketing et de la stratégie, est contrôlé positif à la cocaïne. Retenu en détention pendant 10 jours, il est ensuite expulsé du pays.
Outre le coup dur pour l'image de Volkswagen, déjà en perte de vitesse, l'affaire avertit les expats qui seraient tentés de consommer de la drogue. Ils risquent une détention de 10 à 15 jours, une amende pouvant aller jusqu'à 2 000 yuans (276 dollars) et l'expulsion. Les peines peuvent être plus lourdes selon l'infraction constatée. Toute possession de drogue est considérée comme un trafic. La détention de plus de 50 grammes de drogue (quelle que soit sa nature) est passible de peine de mort. Les sanctions s'appliquent qu'il y ait eu ou non consommation de drogue sur le territoire chinois.
La police chinoise multiplie les contrôles dans les bars et clubs des grandes villes, notamment grâce aux nombreuses dénonciations. AttentionÌý: l'expat qui laisse quelqu'un consommer de la drogue chez lui s'expose aussi à de lourdes sanctions pénales. De plus, les produits contenant du cannabidiol (CBD) sont désormais interdits en Chine. Les aliments, cosmétiques et autres boissons boostées au CBD sont considérés comme des stupéfiants. Leur usage ou leur simple détention peut entraîner une peine de 7 ans d'emprisonnement. La production ou le trafic de CBD entraîne la prison à perpétuité.
Alcool en vente libre
Si la détention et l'usage de drogue sont sévèrement sanctionnés, l'alcool est en vente libre. Aucune restriction contre sa consommation ou sa possession. Les personnes surprises en état d'ébriété risquent néanmoins des sanctions pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement (troubles à l'ordre public, atteintes aux bonnes mœurs…). On recense ainsi plusieurs cas d'expatriés ayant été emprisonnés plusieurs jours. La vente d'alcool aux mineurs est interdite.
Alcool, drogues, que risquent les expats ?
Dans un grand nombre de pays, la détention et la consommation d'alcool sont autorisées. La vente d'alcool est interdite aux mineurs. Les voyageurs doivent respecter les réglementations en cas d'entrée dans un pays étranger avec de l'alcool. Le Canada, par exemple, fournit un à l'attention des voyageurs.
Si l'alcool n'a pas le même traitement que les drogues, c'est parce qu'il n'est généralement pas considéré comme une substance illicite. L'alcool fait en effet partie de nombreuses culturesÌý: le vin et le champagne français, le sake et la bière japonaises, le soju et le makgeolli coréens, le rhum des Caraïbes, le whisky écossais… L'image même du produit est toujours associée à la fête, aux célébrations familiales, aux repas entre amis…
Néanmoins, le trouble à l'ordre public est sanctionnéÌý: consommation excessive, conduite en état d'ivresse, comportement agressif, etc. Selon les pays, les expatriés risquent une amende, une incarcération, et même l'expulsion. Les expats ne doivent pas oublier leur statut «ÌýprécaireÌý»Ìý: leur titre de séjour pourrait être remis en cause à cause de leur infraction (par exemple, une demande de renouvellement de titre de séjour refusée).
Pays qui interdisent ou restreignent la consommation d'alcool
Tous les pays ne partagent cependant pas cette vision de l'alcool. C'est notamment le cas dans les pays musulmans. L'alcool est totalement interdit au Koweït, en Iran, dans l'émirat de Charjah (Émirats arabes unis – EAU), en Afghanistan, en Mauritanie et en Arabie saoudite. Mais selon plusieurs sources diplomatiques, Riyad aurait ouvert il y a quelques mois un supermarché vendant de l'alcoolÌý: l'endroit, sous surveillance, est réservé aux diplomates étrangers. Les autorités saoudiennes gardent néanmoins le silence sur l'affaire. Pour les analystes, il s'agit d'un nouveau signe d'ouverture, certes limité, pour attirer les étrangers influents. C'est aussi un moyen supplémentaire pour lutter contre le trafic d'alcool. Depuis plusieurs années, les diplomates sont autorisés à importer de l'alcool en quantité limitée via un service spécial.
Au Nigeria et au Soudan, la prohibition ne concerne que les musulmans. Les non-musulmans peuvent consommer de l'alcool. D'autres pays appliquent une politique plus souple. Si le Pakistan interdit officiellement l'alcool, les productions locales sont depuis longtemps tolérées. Le pays a même sa brasserie, qui contribue largement à la richesse nationale. Si, en principe, seuls les adultes non musulmans peuvent acheter et consommer de l'alcool, en pratique, l'élite musulmane ferait partie des consommateurs les plus importants.
Interdiction d'alcool : vers une législation plus souple dans certains pays
Certains pays musulmans assouplissent leurs règles, notamment pour s'ouvrir aux touristes étrangers. Dans l'émirat de Dubaï, les non-musulmans de 21 ans et plus peuvent acheter de l'alcool dans les établissements réglementésÌý; ils ne peuvent le consommer que dans les zones autorisées, comme les hôtels, les bars et les restaurants. Au Maroc, les non-musulmans peuvent également acheter et consommer de l'alcool dans les lieux agréés. Mais en 2022, le ministère de la Justice a proposé une loi visant à élargir cette tolérance aux citoyens musulmans.
Dans tous les pays musulmans, les peines encourues en cas de violation de la loi islamique sont très lourdes, et peuvent aller jusqu'à la peine de mort.
Usage de drogues entre tolérance zéro et exceptions à la marge
Tous les États s'accordent pour une politique stricte contre les usages de drogues. La coopération internationale s'organise pour lutter contre les trafics. Mais les États ne partagent pas toujours la même visionÌý: certains appliquent une politique stricte. D'autres tolèrent l'usage du cannabis et/ou font la distinction entre usage thérapeutique et récréatif. Charge à l'expatrié de bien se renseigner avant de voyager.
Ces pays qui légalisent l'usage du cannabis
Le Canada, la Thaïlande, Malte et le Luxembourg font partie des pays ayant dépénalisé le cannabis. L'Allemagne les a rejoints le 1er avril 2024. Les expats peuvent donc, depuis ce jour, acheter librement du cannabis, mais dans la limite de 25 grammes par jour. La culture pour usage personnel est également dépénalisée. Malte, le Canada et le Luxembourg autorisent aussi la culture et l'usage récréatif du cannabis. Connus pour sa tolérance avec les drogues dites «ÌýdoucesÌý», les Pays-Bas étaient, jusqu'en décembre 2023, dans une zone grise. Nombre de voyageurs pensaient que l'achat et la consommation de drogues étaient légaux. Depuis décembre 2023, une loi donne un cadre juridique à la pratique, à titre expérimental. Mais la culture personnelle de cannabis reste interdite.
En revanche, la Thaïlande a rétropédalé en février 2024. Un peu plus d'un an après avoir dépénalisé l'usage récréatif du cannabis, l'État le restreint au strict usage médical.
Zoom sur le Canada
Si le Canada a décriminalisé l'usage du cannabis, il est toujours interdit d'entrer ou de sortir du territoire avec du cannabis, même sous forme d'extraits contenus dans des produits alimentaires ou des produits à base de cannabidiol. Seule exceptionÌý: une consommation médicale de cannabis autorisée par l'organisme gouvernemental . Les personnes exemptées doivent tout de même déclarer leur possession de cannabis à l'Agence des services frontaliers du Canada, sous peine d'être arrêtées. Les drogues illégales sont totalement interdites. Le gouvernement canadien précise que la méconnaissance des lois ou la qualité d'étranger ne constituent pas un motif pour enfreindre la loi. Les étrangers interpellés s'exposent à des peines de 3 à 7 ans d'emprisonnement. Les peines encourues sont moins lourdes en cas de première interpellation.
Alcool, drogues à l'étranger, à quoi faut-il faire attentionÌý?
Certains expatriés pensent à tort que la méconnaissance de la loi du pays étranger les protège. Mais nul n'est censé ignorer la loi. Les expats redoubleront de prudence dans les lieux «ÌýsensiblesÌý», comme les bars et les boîtes de nuit.
Se promener avec une bouteille d'alcool en main peut être passible de sanctions. Même en l'absence de directive stricte, il convient de se comporter comme les locaux. Dans les pays qui interdisent ou restreignent l'usage d'alcool, les expats veilleront à consommer leurs produits dans les espaces autorisés par le pays d'accueil.
Prudence redoublée concernant les produits à base de cannabidiol, de plus en plus répandusÌý: bonbons, tisanes, crèmes, e-cigarettes, etc. Ils peuvent être considérés comme des drogues à part entière. Pour éviter les ennuis judiciaires, mieux vaut éviter de voyager avec ces produits.