Peux-tu te présenter: d'où viens-tu et que fais-tu dans la vie?
Je suis Emmanuel, j'ai 32 ans, et j'habite Neuchâtel depuis maintenant un an. Ma famille et mes deux frères habitent toujours à Paris, en France. J'ai donc grandi à Paris (XIXème arrondissement), au milieu du béton et dans une relative insécurité, jusqu'à mon bac, à mes 18 ans, après quoi je suis parti faire mes études d'ingénieur à Lille (Nord) pour 6 ans.
A l'issue de ma formation, j'ai trouvé mon premier emploi à Tours (région Centre), dans les travaux public de réseaux (électricité, éclairage public, gaz, télécom), où je suis resté 4 ans. Puis une opportunité m'a fait déménager à Rouen, en Normandie, pour les 4 années qui ont suivies. Je suis arrivé en Suisse début juin 2013, ça fait donc tout pile un an.
Qu'est-ce qui t'a attiré vers cette ville suisse ?
Une femme, d'abord ! Avant de déménager, nous avons vécu à distance pendant 4 ans : elle à Dublin (Irlande) et moi à Rouen. Ce n'était pas simple ! Et elle m'avait toujours dit vouloir se rapprocher de chez ses parents qui habitent en France, à Strasbourg, tout en voulant rester dans un environnement de travail plurilingue et multiculturel. Aussi la Suisse (romande) est apparue comme une destination "proche" rassemblant ces critères, et Neuchâtel s'est imposée en décembre 2012 lorsqu'elle y a obtenu son nouvel emploi. Par la suite nous avons tous les deux eu un réel coup de cœur pour cette ville : petite, mais il y a tout, le charme du centre, le lac, les montagnes, la qualité de vie... C'est tellement simple de rentrer à la maison et de se croire en vacances ! Idéal.
Je suis en couple avec mon amie, française également, 33 ans, qui s'y est donc installé début janvier 2013. Nous n'avons pas encore d'enfant.
Comment s'est passé ton installation à Neuchâtel ?
Cela s'est très bien passé, dans la mesure où mon amie était déjà sur place depuis 6 mois et avait donc déjà notre appartement. J'avais fait appel à un »å鳾é²Ô²¹²µ±ð³Ü°ù, qui s'est occupé des formalités douanières (franchise de déménagement) et j'ai donc franchi tranquillement la frontière, sans aucun contrôle, avec ma petite voiture personnelle, une semaine avant de commencer mon nouvel emploi en Suisse. Le lendemain, je me suis simplement rendu à l'Office des Habitants du canton de Neuchâtel pour faire ma demande de permis de séjour (permis B), muni des documents requis, et 20 minutes plus tard, j'en étais ressorti, en ayant reçu un livret d'accueil et de présentation des services de la Ville, ainsi que quelques réductions ou entrées gratuites pour des musées.
Pour importer ma voiture personnelle, ça a été un peu plus compliqué, car je suis allé déclarer le lundi à la douane du Locle, ma voiture, comme seconde partie de ma franchise de déménagement. Mais, comme mon dossier de douane avait déjà été ouvert par le »å鳾é²Ô²¹²µ±ð³Ü°ù, dans un autre bureau, les douaniers m'ont renvoyé vers la douane de Chavornay pour effectuer la déclaration d'import de mon véhicule. Arrivés sur place 1h30 plus tard, les douaniers étaient peu aimables, et, lorsqu'ils ont ouvert le capot pour lire le numéro de châssis, ils m'ont dit que mon compartiment moteur était sale et qu'il faudrait le faire nettoyer pour le contrôle technique ! Bienvenue en Suisse !
Mais à part, cet accueil douanier très froid, j'ai été très bien accueilli. Mon employeur avait même placé une bouteille de vin à mon bureau, accompagné d'un bloc note, avec l'inscription "Bienvenue". Sympa ! Autre point positif, environ 3 mois après mon arrivée, la ville de Neuchâtel a invité tous ses nouveaux habitants (suisses ou étrangers) à un discours d'accueil (traduit en 9 langues), suivi d'un apéritif copieux avec spécialités régionales et d'une présentation des différentes institutions et associations de la ville, avec de nombreux stands d'information. Et nous avons également reçu une invitation pour une visite guidée de la ville.
Pour moi, c'est ce que j'appelle un vrai accueil, et une politique d'intégration réussie, et bien des pays devraient s'en inspirer ! A commencer par nos politiques français, qui critiquent trop facilement la Suisse, qui compte tout de même près de 25% d'immigrés dans le canton de Neuchâtel.
Quelles procédures as-tu suivi pour t'expatrier à Neuchâtel ?
J'ai d'abord cherché un travail (dès que mon amie a trouvé le sien). Pour ce faire, il m'a fallu construire un CV solide (français, anglais, et allemand), selon les modèles présentés sur les sites d'emplois suisses, puis j'ai envoyé de nombreuses candidatures, près de 200. Deux à trois soirs par semaine, je faisais le tour de l'ensemble des annonces du net, mais avec un peu de ténacité, j'ai obtenu 5 entretiens dont deux ont débouché sur des offres d'emploi fermes, et dans de bonnes conditions. Une fois le contrat de travail obtenu, je n'ai eu aucune difficulté pour demander mon permis de séjour. Par la suite, il m'a fallu échanger mon permis de conduire (délai d'un an), résilier mes anciens contrats d'assurance en France, et en souscrire de nouveaux en Suisse (assurance ménage, responsabilité civile, auto).
As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?
Peu de difficulté, si ce n'est de la ténacité et de l'investissement personnel. Seule une personne d'une agence d'emploi m'a une fois reçue en me disant "mais vous habitez à 800 km d'ici, pourquoi venir chercher un travail chez nous?". J'ai su la convaincre. L'argent n'a jamais été une priorité pour moi; la qualité de vie, beaucoup plus.
Comment ça se passe sur le plan professionnel ?
Je travaille dans l'ingénierie de projet dans le domaine ferroviaire (maîtrise d'œuvre et assistance à maîtrise d'ouvrage). J'ai une formation initiale d'ingénieur généraliste, orienté en électricité, et mes expériences précédentes en France m'avaient jusque là amené à travailler dans le domaine des réseaux électriques pour des travaux publics (dont 3 ans pour l'éclairage public du tramway du Havre). Désormais, je suis purement dans le domaine ferroviaire, ce qui constitue un changement important, mais la transition s'est effectuée en douceur.
Quelles sont les particularités requises pour être embauché à Neuchâtel ?
Pour travailler en Suisse, c'est évidemment plus facile avec un (bon) diplôme, et une certaine aisance dans les langues étrangères. Pour ma part, j'ai un niveau d'anglais C1 et un niveau d'allemand B2 (mais avant d'arriver en Suisse, ça faisait plus de dix ans que je n'avais pas parlé. Mon entreprise est basée à Vevey, en Suisse Romande, mais son siège est à Zurich.
Aussi, j'ai du passer mon deuxième entretien d'embauche en allemand (stressant, mais j'avais révisé). Et même si je sais que je fais des fautes et que je manque de vocabulaire, je me fais comprendre. Sans l'allemand je n'aurai sans doute pas été embauché. Aujourd'hui, j'ai repris quelques cours de conversation à titre privé, et mon employeur me finance également des cours niveau B2.
En fait, je ne travaille pas à Neuchâtel, mais à Vevey, tout de même à 1h en train ou 75min porte à porte. Mais ce n'est pas une difficulté majeure en soit vu que je voyage en train (plus reposant) et que j'ai souscris à "l'abonnement général" qui me permet de faire le trajet Neuchâtel Vevey pour quatre fois moins que le tarif de base ! Intéressant !
Quels sont les types de logements qui y sont disponibles ?
Je n'ai pas eu à rechercher de logement vu que mon amie s'était installée avant moi. Elle est d'abord passée par un logement provisoire (studio chez l'habitant) pour les 3 premiers mois, puis elle a cherché autre chose. Le marché des logements est compliqué localement et les plus petites surfaces sont plus ou moins réservées aux revenus modestes. Nous avons donc trouvé un grand appartement (4 pièces 1/2, 130m2) pour nous deux seulement, et nous payons cher notre loyer. Mais nous avons également la vue sur le lac de Neuchâtel et les Alpes en arrière plan, et ça, c'est inestimable. Pour trouver cet appartement, ça a somme toute été assez rapide, vu qu'en deux ou trois semaine c'était réglé, mais il faut se décider vite et avoir de la chance car les offres sont peu nombreuses.
Que penses-tu du mode de vie des Suisses, particulièrement à Neuchâtel ?
Les Suisses sont très famille, souvent chez eux, ou en tout cas difficiles à faire sortir de chez eux. Mais sympas et ouverts cela dit. Neuchâtel est donc plutôt calme par rapport au buzz de Lausanne ou Genève, mais personnellement je préfère largement, et en un an de temps, nous avons toujours été débordés d'activités, sans avoir le temps de s'ennuyer un seul instant. Les Suisses sont aussi très sportifs et nature (rando, vélo, ski, roller, bateau...) et à ça j'adhère aussi tout à fait.
J'ai plus de mal par contre avec les horaires d'ouverture des commerces, qui ferment malheureusement trop tôt, et coupent la vie de la ville (16h le samedi après midi à Lucerne par exemple). Mais un vote a eu lieu pour prolonger quelque peu ces horaires...
As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?
Non, aucune difficulté à m'insérer et à me faire accepter. Le tout c'est de savoir rester à sa place, d'être à l'écoute, d'être ouvert et souriant. Si on est arrogant, agressif, râleur, ou qu'on a un poil dans la main, ça risque sûrement de moins bien marcher ici (avis à certains de mes compatriotes)!
Quel est ton avis sur le coût de la vie à Neuchâtel, et en Suisse en général ?
En Suisse, le coût de la vie est cher, très cher, mais pas forcément pour tout. Si on part sur la base que mon salaire a plus que doublé par rapport à son niveau français, j'estime que je ne paye pas le double de ce que je payais en France pour tout. A titre d'exemple, mon loyer pourtant élevé à Neuchâtel centre-ville (10 min à pied de la gare et du centre-ville), ne pèse que 20% environ de mon salaire net, contre 30% en France (19CHF/m2 à Neuchâtel, contre 13€/m2 à Rouen, mais maintenant nous sommes deux pour partager le loyer).
Ici l'assurance maladie et la santé coûtent très cher, mais j'estime que si on gagne plus, il est aussi normal de dépenser plus sans tout le temps vouloir regarder les tarifs de l'autre côté de la frontière. Au final, sur un an, et après une année d'installation (ameublement) et de visites diverses, j'arrive à peu près à l'équilibre entre mes recettes et mes nombreuses dépenses (nous avons tout de même pas mal bougé). Les années suivantes devraient pouvoir permettre d'épargner un peu et pourquoi pas d'ouvrir un 3ème pilier (assurance retraite Suisse).
Quelles sont les différences entre la vie en Suisse et celle en France ?
La qualité de vie principalement : ici on râle peu, la nature et les sports sont omniprésents, les gens sont globalement ouverts, solidaires et souriants et respectueux les uns des autres. La Suisse est encore un des seuls pays à réfléchir collectivement, avant de réfléchir égoïstement. Parfois j'ai l'impression que ces valeurs se sont perdues en France, et j'apprécie vraiment de les retrouver ici.
Des conseils aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier à Neuchâtel ?
Foncez ! J'ai notamment participé cette semaine à un petit débat sur le Forum , qui explique tous les avantages de Neuchâtel (et aussi ses petits défauts), par rapport à Genève ou Lausanne. C'est indéniable, Neuchâtel en ressort vainqueur en terme de qualité de vie ! Il ne reste plus qu'à convaincre la ville de repeindre quelques façades et de mieux fleurir les rues, pour vraiment vivre dans un petit paradis.
Des projets d'avenir?
Nous sommes très bien là où nous sommes et nous commençons à réfléchir à épargner, pour peut être un jour pouvoir acheter une maison dans les environs. Et à bientôt 33 ans, il serait bientôt temps de faire un enfant...