La première puissance mondiale attire-t-elle encore les étrangers ? Oui, mais le climat a radicalement changé depuis 2016, et l'élection de Trump. Déterminé à faire baisser l'immigration légale, Trump entérine des mesures qui freinent les projets d'expatriation. La Covid aggrave la situation. Il a fallu attendre l'arrivée de Joe Biden pour voir s'annuler certaines lois trumpistes.Â
Confrontés à la Grande démission et à des pénuries de main-d'œuvre, les États-Unis ne parviennent pas toujours à recruter comme ils le voudraient. La faute à un politique migratoire jugée obsolète, qui douche les talents internationaux. Mais pour beaucoup, le « rêve américain » est toujours là . Comment immigrer aux États-Unis ? Quels sont les profils qui ont le plus de chance de réaliser leur objectif ?
Immigrer aux États-Unis : le mode d'emploi
Si le rêve américain parle encore à de nombreux candidats à l'expatriation, la réalité fait moins rêver. Immigrer aux États-Unis reste une procédure longue et compliquée. Pour obtenir la carte verte (green card), sésame indispensable pour devenir résident permanent aux États-Unis, il faudra s'armer de patience.
L'indispensable carte verte
La carte verte permet à un étranger de vivre et travailler aux États-Unis sans obligation de détenir un visa. Cette carte de résident permanent offre à son détenteur les mêmes droits qu'un citoyen américain (scolarité, santé, travail, retraite…). Seul le droit de vote reste lié à la citoyenneté américaine. On ne peut donc pas voter avec une carte verte. On ne peut pas non plus être juré lors d'un procès.
Ce sont les Services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis (United States Citizenship and Immigration Services – USCIS) qui délivrent la carte verte. Carte qui peut se garder à vie (sa durée de validité dépend du motif d'obtention). Au bout de 5 ans, le détenteur d'une carte verte peut demander sa naturalisation.
Comment obtenir la carte verte ?
Pour obtenir le précieux sésame, 4 principaux moyens : le travail, les liens familiaux, la loterie et le statut de réfugié politique ou demandeur d'asile.
Immigration aux États-Unis pour motif professionnel
Immigrer aux États-Unis par le travail, la voie facile ? C'est plutôt le contraire. Tout comme le visa de travail H1B, la délivrance d'une carte verte pour motif professionnel est strictement encadrée. En effet, le gouvernement américain favorise ses ressortissants. Elle a rendu la procédure fastidieuse pour décourager les employeurs. Pour eux, embaucher un citoyen non américain est une épreuve coûteuse, surtout si l'étranger n'est pas présent sur le sol américain. La green card pour motif professionnel ne concerne en fait que très peu de profils. Des profils rares, et hautement qualifiés :
- Chercheur, scientifique ou professeur de renom.
- Professionnel excellant dans l'art, le sport, l'enseignement ou le business.
- Détenteur ou manager d'une multinationale.
- Grand investisseur dans des entreprises américaines (au moins 1 million de dollars). Les investissements du riche étranger doivent être source d'emploi : ils doivent viser des secteurs qui créent au moins 10 emplois.
Et le sponsoring ? Opération possible, mais délicate. Pour se faire parrainer par un employeur américain, il faut aussi présenter des compétences précises : posséder au moins une licence (Bachelor) ou détenir des compétences spécifiques dans son corps de métier. L'emploi occupé doit avoir nécessité 2 ans de formation ou d'expérience. Ces compétences semblent plus simples à remplir que celles des professionnels ultra-qualifiés, mais en pratique, elles sont tout aussi difficiles à justifier.
Immigrer aux États-Unis pour motif familial
Pour obtenir cette carte verte, deux moyens principaux : le sponsoring par un membre de la famille et le mariage avec un citoyen américain.
Tout citoyen américain de plus de 21 ans peut parrainer un membre de sa famille : parents, conjoint, enfants, frères et sœurs. La procédure s'effectue sur le site des Services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis (USCIS – voir lien en fin d'article) : dossier à remplir « petition for alien relative », pièces justificatives à fournir (concernant, notamment, le lien de parenté) et paiement des frais d'enregistrement (535 dollars). Si la procédure aboutit, le membre de la famille détentrice de la carte verte pourra à son tour parrainer un proche (conjoint ou enfants).
En projet de mariage avec un ressortissant américain ? Pour l'heureux conjoint, pas de carte verte définitive, mais une carte temporaire. Selon le gouvernement américain, le mariage est une solution souvent utilisée par les étrangers, pour contourner les obstacles à la green card. L'État serre donc la vis et ne délivre qu'une carte temporaire. Si le mariage dure plus de 2 ans, la green card deviendra permanente (valable 10 ans). Dans le cas contraire (divorce dans les 2 ans), l'étranger ne pourra pas demander de carte permanente. Il perdra ses avantages et devra entamer d'autres démarches pour séjourner légalement aux États-Unis (demande de visa, autre demande de carte verte…). Lorsque tout se passe bien, le citoyen américain parraine son conjoint. Conjoint qui sera reçu par un officier de l'immigration. C'est lui qui appréciera si, oui ou non, le couple est réel. C'est également lui qui attribue ou non la carte temporaire de 2 ans.
Immigrer aux États-Unis grâce à la loterie
C'est sans doute le système le plus connu : la loterie carte verte ou « Diversity Visa Lottery Program ». Chaque année, les services de l'immigration délivrent 55 000 cartes vertes. Mais là encore, les places sont chères. Ne sont concernés que les ressortissants des pays qui n'ont pas atteint les quotas d'immigration fixés par les autorités américaines. Cette année, le Brésil, le Vietnam, le Pakistan, le Canada, la Corée du Sud ou la Chine continentale font partie des pays exclus. Le pouvoir américain justifie sa pratique. Il recherche la diversité, d'où le titre de son programme de loterie. Les résultats sont publiés en ligne. Les candidats non retenus peuvent tenter leur chance l'année suivante s'ils remplissent toujours les critères.
Deux critères donc pour participer à la loterie :
- Être natif d'un pays éligible.
- Avoir un niveau baccalauréat ou avoir occupé un emploi pendant au moins 2 ans au cours des 5 dernières années dans un secteur précis (liste en fin d'article).
La carte verte pour les demandeurs d'asile et les réfugiés politiques
Il existe un quatrième moyen pour obtenir la green card : être reconnu demandeur d'asile ou réfugié politique.
La demande d'asile positif (Affirmative Asylum Process) s'effectue sur le site de l'USCIS (lien en fin d'article). Le demandeur doit être présent sur le sol américain et remplir le formulaire de demande sur le site de l'USCIS. Il sera reçu en rendez-vous par l'Application support center (ASC), puis par l'immigration (USCIS). L'agent d'asile vérifiera que le demandeur remplisse les critères d'éligibilité, et qu'il ne soit pas sous le coup d'une interdiction d'asile avant d'accorder, ou non, l'asile. Si son statut est validé, le demandeur peut faire sa demande de carte verte dans l'année. Les réfugiés politiques, eux, ont l'obligation de la demander dans l'année. La procédure concernant les réfugiés politiques s'effectue aussi sur le site des services de l'immigration américaine (lien en fin d'article).
L'an dernier, l'administration Biden avait promis d'accueillir 125 000 réfugiés en 2022 (deux fois plus qu'en 2021), pour « répondre aux besoins générés par les crises humanitaires dans le monde ». Inutile de préciser que cette carte est réservée à des personnes bien précises, et qu'elle reste difficile à obtenir.
Les meilleurs profils pour immigrer aux États-Unis
Malgré tout, les États-Unis ont besoin d'immigration, moteur essentiel à leur croissance économique. Mais le pays cible certains profils : les étrangers qualifiés ont plus de chances que les autres d'obtenir leur précieux sésame. Ingénieurs, médecins et professionnels des métiers innovants font partie des professionnels les plus recherchés. Leurs principales qualités : le haut niveau d'étude et l'indépendance financière. Ces étudiants étrangers ont bien moins de risque de tomber dans la précarité.
Mais comment les attirer ? Douchés par la complexité d'obtenir une carte verte, les meilleurs profils délaissent les États-Unis au profil du Canada ou du Royaume-Uni. Une situation préoccupante, qui pourrait faire les affaires d'une Chine bien décidée à devenir la première puissance mondiale.
Médecin : le meilleur profil pour immigrer aux États-Unis ?
La situation des médecins est un cas d'école. Le nombre de patients explose (surtout depuis la Covid) quand celui des médecins diminue. Selon l'Association of American Medical Colleges, il pourrait manquer 38 000 à 124 000 médecins d'ici à 2034. Les causes du naufrage annoncé : des études plus longues que dans les autres pays, un coût de la scolarité exorbitant, et des places pour les « programmes de résidence » (stages postdoctoraux obligatoires pour pouvoir exercer) insuffisants pour le nombre d'étudiants. Le financement de ces programmes dépend de Medicare (assurance maladie générée par le gouvernement fédéral). Une loi votée l'an dernier débloquera 1000 dispositifs supplémentaires à partir de 2023. Insuffisant pour combler le manque de médecins.
Les professionnels américains sont dépassés. Le pays fait les yeux doux aux étrangers. Mais eux aussi baissent les bras, douchés par la complexité du processus d'immigration. Les cartes vertes sont plafonnées. À peine 140 000 pour les cartes à motif professionnel (environ 7 % par État). Si, en 2020, les étrangers représentent un quart des médecins spécialistes travaillant aux États-Unis (surtout dans les zones rurales, en pénurie), ils n'ont souvent qu'un visa temporaire (J-1, le working holiday visa américain, ou H1B, le visa de travail). Et même s'ils sont éligibles à la carte verte professionnelle, rien ne garantit qu'ils l'obtiendront. Les plafonds sont une barrière supplémentaire pour les médecins étrangers. Une barrière de trop, selon certains. Malgré leur implication, les médecins étrangers n'ont pas de traitement de faveur. Oui, les États-Unis cherchent des médecins étrangers. Mais il ne semble pas faire assez pour les attirer. Les étrangers qualifiés lui préfèrent d'autres pays riches. Plus d'un quart des médecins de l'OCDE sont des migrants : ils exercent dans un autre pays que leur pays de naissance. Une aubaine pour les pays riches chasseurs de talents. Un casse-tête pour les autres pays, confrontés à une fuite des cerveaux.
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