Que retenir de 2024 ? Élections, réformes de l'immigration, pénuries de main-d'oeuvre, défi démographique, dernières tendances de l'expatriation… retour sur les évènements marquants de l'année.
2024 : l'année électorale
Cette année, plus de 3 milliards de personnes étaient attendues pour voter cette année. Des élections se sont tenues dans 77 pays : Taïwan, Afrique du Sud, Sénégal, Finlande, Slovaquie, Pakistan, Inde, Venezuela, Portugal, Royaume-Uni, Union européenne (UE), Algérie, Roumanie, Namibie... Les élections présidentielles des ɳٲ¹³Ù²õ-±«²Ô¾±²õ ont retenu l'attention du monde entier. Même lorsqu'ils ne peuvent pas voter, les résidents étrangers sont concernés par les résultats des élections. Car entrent en jeu de possibles réformes de la politique d'immigration, qui s'inscrivent dans une certaine vision du pays, tant sur le plan intérieur qu'à l'international.
Entre grands tournants et statu quo
À Taïwan, la victoire du progressiste Lai Ching-te (samedi 13 janvier) est qualifiée de « victoire pour la démocratie ». Le nouveau président s'attire les foudres de Pékin, mais reçoit le soutien de la communauté internationale. Depuis, des analystes locaux et étrangers constatent une « crise constitutionnelle » engendrée par les deux partis politiques prochinois au Parlement. Ils craignent un scénario « à la Hong Kong », alors que Taïwan tente d'attirer davantage de talents étrangers.
L'Indonésie tente également d'attirer les talents étrangers. Le 20 mars, la commission électorale confirme la victoire de Prabowo Subianto, soutenu par le président sortant Joko Widodo. Les défenseurs des droits de l'homme s'inquiètent. Prabowo Subianto entend poursuivre la politique de Joko Widodo. L'Indonésie compte notamment sur le Second Home Visa et le visa nomade numérique pour séduire les riches expatriés.
Le Sénégal, l'un des pays favoris des retraités francophones, confirme, par l'élection le 24 mars du nouveau président Bassirou Diomaye Faye, son statut de « pays le plus démocratique d'Afrique de l'Ouest ». Depuis 2018, il est le pays d'Afrique de l'Ouest le plus prisé par les investisseurs étrangers. Mais pour booster son attractivité, le président réorganise son économie et renégocie certains contrats. Dans sa ligne de mire : les contrats pétroliers et miniers conclus avec l'étranger, jugés « très défavorables » au Sénégal.
Basculements dans les grandes destinations d'expatriation
Entre le 6 et le 9 juin, les Européens étaient appelés à élire leurs députés européens. Parmi les électeurs, de nombreux expatriés européens. Le climat est tendu, alors que l'extrême droite gagne du terrain dans l'UE. Les résultats maintiennent les conservateurs en tête, mais confirment la percée de l'extrême droite. Le cas du bloc franco-allemand est particulièrement scruté. En France, le rassemblement national gagne les élections. En Allemagne, la coalition gouvernementale tombe devant les conservateurs et l'extrême droite.
Au Royaume-Uni, l'écrasante victoire des travaillistes (le 5 juillet) met fin à 14 ans de gouvernement conservateur. Pro-européen, le nouveau Premier ministre Keir Starmer n'entend cependant pas revenir sur le Brexit, et appelle plutôt à une relation « plus constructive » avec l'UE. Dans son viseur, l'économie et l'immigration. Sur ce dernier point, Starmer compte réformer le système d'immigration à points introduit par les conservateurs en 2021, tout en conservant leur vision : réduire l'immigration nette.
La présidentielle américaine du 5 novembre reste l'évènement électoral le plus marquant de l'année. Après la démission surprise de Joe Biden et l'entrée en lice de Kamala Harris, c'est finalement Donald Trump qui reprend la présidence. Depuis, il a répété plusieurs annonces faites durant sa campagne, dont une large partie concerne l'immigration. Les étrangers s'attendent à un durcissement des règles, avec des permis de travail plus difficiles à obtenir.
Immigration : les principales réformes dans les grands pays d'expatriation
Malgré une baisse démographique et des pénuries de main-d'œuvre toujours marquées dans certains secteurs, les grandes destinations d'expatriation s'orientent vers une politique migratoire plus stricte.
Canada
Au Canada, l'année 2024 est marquée par un changement de cap en matière d'immigration. Le 22 janvier, le ministre de l'Immigration Marc Miller annonce le plafonnement du nombre de permis d'études pendant 2 ans : 364 000 permis en 2024 (35 % de moins qu'en 2023). Finalement, on comptabilise 485 000 permis délivrés en 2024. Leur nombre sera réduit à 437 000 en 2025 (-10%). Le 10 octobre, le Québec annonce une nouvelle baisse du nombre de permis d'études, mais qui ne concernerait pas les programmes dispensés en français. La province veut diviser par 2 le nombre d'étudiants étrangers. Les provinces enregistrent déjà des baisses d'inscriptions et accueillent avec inquiétudes les annonces du gouvernement fédéral.
Mais le gouvernement poursuit sa politique qui, selon lui, vise à mieux accueillir les étudiants étrangers. Ses mesures s'inscrivent dans son plan visant à réduire le nombre de résidents permanents de 500 000 à 395 000 en 2025, et de 500 000 à 380 000 en 2026. Le 18 septembre, Miller annonce une baisse du nombre de permis de travail ouverts pour les conjoints d'expatriés (Spousal open work permit – SOWP). Le gouvernement table sur 50 000 permis de travail en moins au cours des 3 prochaines années. Et pour encourager les entreprises à privilégier les travailleurs canadiens, l'État fédéral a augmenté de 20 % le salaire horaire pour les postes à haut salaire (+5 à 8 dollars canadiens (CAD), selon la province). Les mesures sont plus strictes pour les postes à bas salaire. Ces changements ont pris effet depuis le 8 novembre.
Royaume-Uni
Les travaillistes n'ont pas supprimé les mesures restrictives des conservateurs : suppression du regroupement familial pour les étudiants étrangers depuis le 1er janvier (sauf exception) et les aides-soignants étrangers des maisons de retraite (11 mars) ; hausse de 66 % de la surtaxe de santé (Immigration Health Surcharge) (6 février) ; remplacement de la liste « pénurie de travail » par l'Immigration Salary List, limitée à une vingtaine de professions (4 avril) ; hausse du seuil de salaire de 26 200 à 38 700 livres sterling (GBP) pour le visa de travailleur qualifié (4 avril) ; hausse du revenu minimum de 18 600 à 29 000 GBP pour le regroupement familial (11 avril).
À ces mesures s'ajoute le « non » de Starmer au programme de mobilité des jeunes de 18 à 30 ans. Le Royaume-Uni avait déjà rejeté la proposition en avril. Le 2 octobre, Starmer confirme le refus à Bruxelles, douchant les attentes de l'UE. Le projet, jugé trop proche d'un programme de libre circulation, n'entre pas dans la politique britannique de baisse de l'immigration légale et illégale. Starmer promet néanmoins une « nouvelle relation » avec l'UE.
Mais pour Starmer, priorité à l'emploi des Britanniques. Le 28 novembre, il annonce réformer le permis à points. Un Comité consultatif sur les migrations examine actuellement les niveaux de travailleurs étrangers selon les secteurs. Dès qu'un secteur sera jugé trop dépendant de l'immigration, le permis à points sera limité aux « demandes de visas pertinentes ». La mesure touchera les permis des emplois qualifiés et des métiers en pénurie. Starmer promet des sanctions plus sévères pour les entreprises britanniques récalcitrantes. Le secteur de la santé fait déjà part de son inquiétude, et rappelle qu'il ne peut fonctionner sans main-d'oeuvre étrangère.
Australie
C'est le 11 décembre 2023 que l'Australie a dévoilé son nouveau plan de réduction de l'immigration. Le gouvernement travailliste note une hausse de l'immigration post-pandémie (+ 500 000 migrants temporaires en 2022). Il compte diviser ce chiffre par 2 pour la période 2024-2025. Le gouvernement dit répondre à la grogne des citoyens, inquiets face à la flambée des prix de l'immobilier. À noter que le Canada et le Royaume-Uni traversent également une crise du logement. Certains experts estiment néanmoins que ces crises ne sont pas uniquement dues au nombre d'étrangers, et invitent à la prudence. L'Australie préfère suivre sa politique.
Une série de mesures sont prises pour réduire le nombre d'étrangers, notamment les étudiants et travailleurs temporaires : le 10 mai, le seuil de revenu exigé pour le permis d'études passe de 24 505 à 29 710 dollars australiens (AUD). Le 1er juillet, le « visa hopping » (possibilité de passer d'un visa à un autre) est supprimé ; les frais du visa étudiant passent à 1 600 AUD, contre 710 AUD précédemment. Le 23 septembre, l'État annonce limiter le nombre d'inscriptions d'étudiants étrangers à 270 000 en 2025 (contre 577 000 en 2022-2023). Le gouvernement se tourne aussi vers les riches immigrants. En janvier, il met fin à son programme de Golden Visa pour privilégier l'immigration des jeunes talents étrangers, et renforcer sa lutte contre le blanchiment d'argent.
ɳٲ¹³Ù²õ-±«²Ô¾±²õ
En début d'année, Biden ouvre environ 100 000 autorisations de travail automatiques pour les époux et enfants de travailleurs étrangers détenteurs d'un visa H-1B. La mesure cible 250 000 jeunes adultes, enfants d'expatriés en situation légale, mais menacés d'expulsion. Le principe de protection des enfants est inscrit dans la loi. Les détenteurs du visa H-1B et L-1 (transfert dans une même société) doivent cependant supporter une nouvelle hausse des frais de visa actée en avril. +70 % pour le visa H-1B (de 460 à 780 dollars américains/USD). +201 % pour le visa L-1 (de 460 à 1 385 USD). La réforme inquiète le secteur de la Tech, déjà secoué par des vagues de licenciements. Pour éviter les expulsions massives (les expatriés n'ont que 60 jours pour retrouver un emploi), les services d'immigration (USCIS) autorisent des prolongations de séjour. Google s'invite dans le débat politique et presse l'État de réformer l'immigration pour attirer et surtout retenir les talents étrangers.
L'administration Biden tente l'équilibre entre fermeté et humanité. En avril, Chicago et plusieurs autres villes se disent pour un permis de travail pour les travailleurs sans papiers. Elles proposent d'étendre le Programme de statut de protection temporaire aux travailleurs qui attendent depuis des décennies d'être régularisés. Le 18 juin, Biden profite du 12e du programme Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA) pour annoncer un assouplissement des règles d'obtention de la Carte verte pour les immigrants illégaux de longue durée et les « Dreamers », ces enfants arrivés illégalement et ayant grandi aux ɳٲ¹³Ù²õ-±«²Ô¾±²õ.
Mais ces dernières mesures tiendront-elles sous la nouvelle administration Trump ? Plusieurs dispositions sont déjà prévues pour faire baisser l'immigration légale et illégale : révision du droit du sol, durcissement des règles des visas H-1B, H-4 et F-1 (visa étudiant), hausse des droits de douane pour les entreprises étrangères.
La tendance confirmée du nomadisme numérique
2024 est l'année du nomadisme numérique. La liste des États proposant un visa nomade numérique s'allonge, avec l'entrée du Japon, de la Corée du Sud, de l'Italie et du Kenya. Ils rejoignent les Émirats arabes unis (EAU), Antigua-et-Barbuda, l'Argentine, le Mexique, le Brésil, la Croatie, l'Allemagne, la Hongrie, la Grèce, Maurice, les Seychelles, la Namibie, la Thaïlande, le Vietnam, l'Australie… Les durées du séjour varient de quelques mois à plusieurs années, avec un possible renouvellement. Certains visas ouvrent même la voie vers la résidence permanente et la citoyenneté.
Si les États s'intéressent au nomadisme numérique, c'est avant tout pour relancer leur secteur touristique. Car les nomades numériques (ou nomades digitaux) cumulent les avantages du touriste (ils consomment sur place et font vivre l'économie locale) sans peser sur l'État. Ils doivent en effet avoir leur propre assurance santé, justifier d'un minimum de revenus leur permettant de vivre, et surtout ne pas travailler pour un employeur local. Leurs revenus proviennent obligatoirement de l'étranger.
Les expatriés y trouvent aussi leurs comptes. La formule est surtout plébiscitée par les jeunes actifs. Ils y voient un bon moyen de faire carrière à l'international tout en découvrant un ou plusieurs pays. Le nomadisme numérique répond à une autre tendance, de plus en plus marquée depuis la crise sanitaire : le désir de concilier vie professionnelle et vie privée, et de vivre ses rêves. Cette notion, absente de la définition traditionnelle de « carrière » est essentielle pour la nouvelle génération de travailleurs.
Pénurie de main-d'œuvre et baisse démographique : la course aux talents étrangers
Face aux pénuries de main-d'œuvre et au vieillissement de la population, certains États misent sur une politique d'immigration plus souple. C'est le cas de la réforme allemande de mars 2024. Au programme : facilitation des démarches pour les travailleurs non européens, meilleure reconnaissance des diplômes étrangers, accélération du délai d'obtention du titre de séjour, simplification du regroupement familial pour les travailleurs qualifiés, extension des possibilités d'emploi pour les étudiants non européens, facilitation des démarches d'obtention d'une formation, assouplissements pour les expatriés non européens travaillant dans un secteur en pénurie, etc. Selon une étude de la fondation Bertelsmann, l'Allemagne devrait recruter 288 000 étrangers chaque année jusqu'en 2040. La fondation préconise de nouvelles améliorations concernant le système d'immigration.
En Espagne aussi, on mise sur l'immigration. Le Premier ministre Pedro Sánchez est l'un des rares à s'exprimer ouvertement pour une politique d'immigration légale plus ouverte. Il propose plusieurs mesures pour faciliter l'immigration des étrangers non européens : réduction des délais d'obtention du permis de travail, ouverture du regroupement familial, assouplissement des règles pour les étudiants non européens…
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qualifie l'immigration de facteur indispensable de croissance. C'est vrai pour les grandes destinations d'expatriation. C'est aussi vrai pour les autres pays, qui entendent aussi attirer davantage de professionnels étrangers. C'est le cas du Japon, dont la natalité atteint des bas historiques. La projection démographique du Japan Research Institute publiée le 3 décembre révèle une accélération de la baisse de la natalité. Il appelle l'État à des mesures d'envergure d'ici 2030. L'immigration fera-t-elle partie de ces mesures ? Le 5 avril, le précédent gouvernement Kishida annonçait 800 000 travailleurs étrangers qualifiés attendus dans les 5 prochaines années.
Immigration : à quoi s'attendre en 2025 ?
Japon, Corée du Sud, Chine, Canada, Thaïlande, Colombie, Italie, Allemagne, Croatie, Suisse, Belgique, République tchèque… si la baisse démographique s'accélère en Europe, elle concerne quasi tous les continents. La France fait figure d'exception en Europe, de même que les ɳٲ¹³Ù²õ-±«²Ô¾±²õ en Amérique. L'Afrique recense le plus grand nombre de jeunes dans le monde. Une population jeune qui devrait doubler d'ici 2050. Les accords conclus entre certains pays d'Afrique et d'Europe (Allemagne et Espagne avec le Sénégal, le Maroc ou la Mauritanie) sont justement censés favoriser l'immigration des jeunes talents africains. D'autres voies se montrent néanmoins prudentes, et appellent à une stimulation des économies sur le continent africain.
Les Etats continueront de composer avec les pénuries de main-d'oeuvre. L'immigration économique sera toujours celle plébiscitée par les pays, avec des conditions plus favorables pour les étrangers qualifiés et très qualifiés.