Fin mars 2022, Shanghai se confine. Les 25 millions d'habitants ignorent encore qu'ils devront survivre ainsi plus de deux mois, et ce, malgré les annonces des autorités qui déclarent être « venues à bout » de la Covid. C'est plutôt le moral des habitants qui est atteint. Parmi eux, des expatriés, de plus en plus nombreux à s'interroger sur leur avenir dans la cité cosmopolite. Un an plus tard, la Chine est de retour sur la scène internationale. Les touristes sont attendus. Mais les expatriés reviendront-ils à Shanghai ? Pour de nombreux observateurs, la plaie aura du mal à cicatriser.
Quand l'exode des expatriés frappe Shanghai
250 000. Mardi 28 mars, le Bureau des statistiques de Shanghai révèle le nombre de travailleurs étrangers qui ont quitté la ville à cause de la politique zéro Covid de la Chine. Cette stratégie, marquée par des tests à répétition (jusqu'à plus d'une dizaine par jour), des confinements massifs, des isolements dans des camps (appelés « centres de quarantaine » par les autorités chinoises) était pensée pour éradiquer le virus. Elle a surtout terrassé une population épuisée par des confinements à répétition. Malgré ces règles strictes, le virus, et surtout ses variants, continue de se propager. Les vaccins chinois ne sont pas assez puissants pour les contrer. Expatriés et locaux se sentent abandonnés. Pour les premiers, le départ n'est plus qu'une question de temps.
Toujours selon le Bureau des statistiques de Shanghai, la ville comptait 80 000 travailleurs étrangers en 2020. Un an plus tard, ils sont 70 000. Encore un an plus tard, ils ne sont plus que 50 000. Une baisse de 30 000 talents étrangers qui inquiète. Ces départs expliquent la baisse du nombre d'habitants de Shanghai. Si le gouvernement compte sur ces récentes annonces pour les faire revenir, rien ne dit que les expatriés résigneront avec la deuxième puissance mondiale. Le dur confinement du printemps 2022 a laissé des traces. Ceux qui sont partis ne comptent pas revenir. Ceux qui restent se demandent comment tenir.
Conséquences pour l'économie de Shanghai
L'inquiétude plane sur Shanghai. L'économie de la ville s'est contractée de 0,2 % en 2022. C'est la première croissance négative depuis 1978, date à laquelle le Bureau des statistiques de Shanghai a commencé ses relevés. Toujours selon ce Bureau, 2021 était déjà une année difficile, avec un ralentissement de la croissance en grande partie du à la gestion de la crise sanitaire. Le confinement de 2022 imposé à Shanghai assomme une ville déjà sonnée.
Le confinement de Shanghai a fait chuter les ventes de 9,1 % en 2022, tant dans les commerces que sur Internet. Les hôtels et les restaurants de la ville ont enregistré une baisse de revenus d'environ 22 %. Une morosité qui se confirme au niveau national. En 2022, le PIB chinois n'a progressé que de 3 % (chiffre du Bureau des statistiques de Shanghai). La Banque mondiale est un peu plus pessimiste, et compte 2,7 % de croissance. Cela reste bien en dessous des chiffres auxquels s'était habitué Pékin. La deuxième puissance mondiale enregistre sa plus faible croissance depuis des décennies. Et tout porte à croire que 2023 ne connaîtra pas de spectaculaire embellie.
Car la Chine traverse une crise économique. Après 30 ans de croissance, l'immobilier, qui pèse près du quart du PIB chinois, ne se remet pas des secousses qu'il traverse depuis 2021. Le géant chinois dépend de l'immobilier, et l'immobilier est surendetté. À lui seul, Evergrande, leader chinois de l'immobilier, concentre 300 milliards de dollars de dette. Sa chute en 2021 fait trembler le pays et inquiète le monde. L'ex-numéro un espère rembourser ses dettes cette année. Mais les investisseurs étrangers restent prudents.
Des expatriés marqués par la gestion de la crise sanitaire
Les récents chiffres du FMI rassureront-ils les étrangers ? En décembre 2022, l'organisme place la Chine 2e pays pour les investissements directs étrangers (IDE). Avec 3578 milliards de dollars d'IDE reçus en 2021, Pékin arrive juste derrière Washington et ses 4977 milliards de dollars. Mais en incluant Hong Kong, les IDE chinois dépassent ceux des États-Unis (6891 milliards de dollars). Une raison de plus, pour le Parti communiste chinois, d'accélérer sa mainmise sur Hong Kong. Ces chiffres n'empêchent cependant pas la croissance chinoise de patiner.
Contrairement à l'idée véhiculée, Shanghai reste bien une ville chinoise. Une ville où l'idéologie du parti au pouvoir l'emporte sur l'économique. On a souvent vanté le côté cosmopolite de Shanghai, porte ouverte à une vision plus internationale, et surtout non impactée par les décisions de Pékin. Le confinement a rappelé que Shanghai n'avait pas le droit à un traitement de faveur. Lorsqu'il prend fin le 1er juin 2022, de nombreux expatriés en profitent pour quitter le pays, grossissant encore un peu plus les chiffres des candidats au départ. Ils sont d'autant plus pressés de partir qu'au moins 650 000 habitants restaient toujours confinés.
Les entrepreneurs étrangers restent encore marqués par l'épisode, et plus largement, par la gestion de la crise sanitaire en Chine. Ils craignent de devoir subir de nouveaux arrêts forcés sans solution de repli. Même si Pékin leur rouvre grand les portes, ils ne comptent pas forcément revenir. Les chefs d'entreprises et investisseurs étrangers regardent à deux fois les nouvelles promesses de Pékin. La confiance sera difficile à réinstaller.
Qu'en pensent ceux qui restent ? Certains le font par choix, d'autres, par contrainte. Ils n'ont pas encore trouvé de solution de repli ou espèrent toujours « sauver les meubles ». Ils s'accordent cependant sur une chose : plus rien ne sera comme avant.