Retraité depuis quelques années, Pierre est parti s'installer en République Dominicaine, le pays d'origine de sa femme. Grâce à sa connaissance du pays, il nous décrit l'île avec justesse et sans artifices
Bonjour Pierre, peux-tu te présenter brièvement et nous expliquer ton projet en république Dominicaine ?
Je suis originaire du Dauphiné. J'ai fais toutes mes études à Grenoble, ville qui reste chère à mon coeur, puisqu'elle représente toute mon adolescence, mes études et aura façonné ma vie d'homme. Je l'ai quittée pour le travail et relié un département proche, la Haute Savoie. Région exceptionnelle avec ses montagnes, ses grandes villes et ses lacs. C'est là aussi où ma vie a pris une tournure inattendue, puisque c'est à Genève que j'ai rencontré une ravissante jeune femme de la République Dominicaine qui allait devenir mon épouse. Après 34 ans de mariage, cette rencontre a complètement changé le cours de ma vie. Car dès lors, notre projet de vie en France nous faisait percevoir que nous passerions nos vieux jours dans ce magnifique pays des Caraïbes. Les choses de la vie ont fait que depuis 2013 je vis ici, quelques années avant de pouvoir prétendre à une retraite bien méritée. Quelques soucis de santé m'ont simplement fait gagner quelques années sur la date légale de ma retraite. Durant toute notre vie en France, moi travaillant en France et ma femme en Suisse, il n'a jamais été question de venir travailler en République Dominicaine. Trop de contraintes, que ce soit pour le travail, ou pour les études des enfants. Nous avons attendus notre heure, mais nous avons pris soin de préparer notre retraite là bas.
Qu'est-ce qui t'a poussé à venir vivre en République Dominicaine ?
Il est bien évident qu'en épousant une dominicaine, je pressentais de venir y vivre un jour. Si j'avais épousé une chilienne, le Chili aurait pu devenir mon lieu de retraite tout autant.
Comment s'est déroulée ton arrivée et les premiers instant dans le pays ?
Mon intégration a été facilitée par mon épouse ainsi que par toute sa famille. En ce qui concerne les rapports avec l'administration ou avec les autorités, j'ai été guidé dès le départ, et je n'ai eu aucun problème. Par rapport à la famille, du fait de mon " statut d'étranger " (et je pense que cela est valable dans tous les pays) j'ai été placé sur un piédestal. Etranger, donc riche... J'ai dû gérer cela car tous les étrangers ne sont pas riches, mais cela est une autre histoire. Mon épouse m'a bien épaulé pour cela d'ailleurs. Comme tout était prévu de longue date pour mon arrivée, celle ci s'est réalisée en douceur, sans heurts particuliers. Même si l'on pense avoir préparé dans le détail, il arrive parfois des problèmes particuliers auxquels on n'avait pas pensé.
De longue date, on avait accumulé plusieurs terrains jusqu'à obtenir 4000 m2 de terrain sur lequel on avait construit petits bouts par petits bouts une grande maison avec panneaux solaires et puits de façon à être autonome. On n'a pas saisi immédiatement le danger qu'il y avait à construire à la campagne, en méconnaissant totalement l'aspect sécuritaire pour un étranger. Ma femme y a habité plus de 10 ans sans aucun soucis. Moi, j'y suis arrivé en février, et j'ai eu des problèmes avec une bande de voleurs fin juin. Ils avaient vite repéré l'étranger (le riche) qui vivait dans ce coin de la banlieue nord de la capitale, étant le seul étranger à vivre à plusieurs kilomètres à la ronde. J'ai dû mon salut à un coup de chance, le jour où ils sont venus me chercher à la maison, je n'étais pas là . Je me suis alors réfugié à Bavaro dans la maison d'un beau frère où la plage est à 10 minutes à pieds et avec une police ultra présente pour assurer la tranquillité des touristes. Fort de toutes mes expérience, je vais émigrer dans 2 ou 3 mois au centre du pays, au pied des montagnes, pas très loin du Pico Duarte, le plus haut sommet des Caraïbes qui culmine à 3098 m, où nous faisons construire notre nouveau nid d'amour. C'est une région au printemps permanent.
Qu'est-ce qui te surprend dans la culture dominicaine ?
Ce qui me surprendra toujours, dans un certain sens, c'est l'insouciance des habitants, cette façon cool de prendre la vie. Demain est un autre jour. S'ils ont de l'argent aujourd'hui, ils vont tout dépenser. Demain, on verra bien. C'est difficile de généraliser. Bon nombre de personnes ont le coeur sur la main. Ils n'ont rien mais t'offrent le peu qu'ils possèdent. Par moment, je retrouve un peu de ce que j'ai vécu à la campagne de ma France natale d'il y a 50 ou 60 ans. Une solidarité extraordinaire entre les gens. Je le vis surtout à la campagne, dans les grandes villes beaucoup moins.
A un niveau plus politique, la corruption et le gaspillage de l'argent public, mais ma femme me rétorque que c'est dans tous les pays. J'ai appris ce matin en écoutant la radio qu'un candidat sénateur avait dépensé 50 millions de pesos (1 000 000 d'euros) en moyenne pour sa campagne électorale. Si ce chiffre s'avérait exact, on marche sur la tête, dans un pays où on manque de beaucoup de chose de première nécessité, comme par exemple dans l'éducation ou la santé, sans parler des routes.
Le pays occupe les deux tiers de l'île d'Hispañola, Haïti occupant l'autre partie, as-tu noté des différences entre ces deux pays ?
On ne compare pas la République Dominicaine et La République de Haïti. Elles sont bien situées sur l'île d'Hispañola mais c'est tout. Elles ont eu toutes les deux une dictature longue et dure, mais au final, aujourd'hui, il y a la grande République Dominicaine et la petite Haïti. Le PIB par habitant pour la Rep Dom est de 5894 dollars et 829 dollars pour Haïti.
La plupart des habitants de Haïti, viennent en République Dominicaine pour trouver du travail. Cela pose d'ailleurs pas mal de problèmes. Il y a un pays plus instable que l'autre et la première république noire au monde n'a toujours pas de gouvernement depuis de nombreux mois. Indéniablement, le pays qui réussi c'est la République Dominicaine. Le taux de croissance du PIB de la République Dominicaine pour l'année 2015 est supérieur à 7%, excusez du peu.
La République Dominicaine est imprégnée de la culture hispanique mais aussi américaine, comment cela se définit-il ?
Tout d'abord, il n'y a aucun rapport entre la cuisine américaine et la dominicaine ! Et heureusement car la cuisine américaine n'est surement pas un exemple à suivre, quand on voit le problème sanitaire que représente l'obésité chez les américains. Par contre, au niveau du langage ou du sport par exemple, la culture américaine imprègne quelque peu la culture dominicaine. Quand à moi, je suis adepte de la différence culturelle. Je bannis Halloween ou le baseball par exemple.
Comment décrirais-tu le niveau de vie sur l'île ?
Le niveau de vie dans ce pays est très intéressant. Si l'on excepte les produits d'importation comme les voitures ou les produits technologiques comme TV ou ordinateurs ou appareil photo. Les taxes d'importations sont importantes. Par contre au niveau du coût de la construction, on obtient des prix de revient au mètre carré construit pour 15 ou 20 000 pesos, soit 3 ou 400 euros ce qui me parait bien moins qu'en France. Nous avons parlé sur le forum de la République Dominicaine du coût de la vie. Et des avantages à vivre ici, comme par exemple l'absence d'impôts pour nos rentes versées depuis nos pays d'origine, le prix de l'essence bien moindre ici, les fruits et légumes pour une bouchée de pain. Par contre, si l'on recherche nos produits habituels comme le camembert, le vin, la raclette, on va les trouver mais à quel prix ? Pour vivre bien, vivons local, imprégnions nous de la culture, de la cuisine, du mode de vie, des us et coutumes si tant est qu'ils soient acceptables.
L'électricité est chère aussi. Plus de 12 pesos le Kwh, il vient d'augmenter le mois passé. Le problème crucial ici c'est l'eau et l'électricité, avec des coupures électriques et une distribution d'eau très hétérogène en fonction du lieu. Ici à Bavaro pas de soucis, nous avons l'eau et l'électricité toute la journée sans aucunes coupures. Par contre à Villa Mella, dans notre maison de campagne, nous avons des panneaux solaires et récupérons l'eau de pluie, de même que nous puisons l'eau dans un puit.. Tout ça pour dire que le coût de la vie va dépendre du niveau de confort avec lequel on va vivre.
Pour conclure, je dirai que je ne vivrai pas aussi bien en France qu'ici avec mes petits revenus.
Quelle est la situation du pays en terme d'opportunités professionnelles, que ce soit pour les locaux ou pour les expats ?
Au plan travail, c'est, à mon avis, là où le bas blesse.
D'un coté, je dirai que les dominicains n'ont pas attendu l'arrivée des étrangers pour régler les besoins rencontrés.De plus, le savoir faire de ces gens est bien différent de nos standards. Par exemple, ma facture pour la réparation de ma voiture est passée de 15 000 pesos (garage officiel) à 3 100 pesos (mécano de mes amis). C'est le système D local qui peut surprendre. Il y a peu, un internaute me demandait s'il pouvait travailler ici. Il faut d'abord s'adapter au fonctionnement local, et c'est pas évident.Pour travailler, il faut des papiers en règle. Pour obtenir sa carte de résidence, il faut obtenir un visa d'entré, et pour obtenir celui ci il faut un travail. C'est un peu l'histoire du serpent qui se mord la queue. Le plus simple pour travailler, c'est de créer son entreprise. Reste à savoir pour quoi faire ? Les salaires sont faibles. Le policier gagne 120 euros, le professeur des écoles 300, le médecin gagne 4 à 500 euros. Dans l'hôtellerie, les employés gagnent 250 euros et travaillent 48 heures par semaine, même s'ils en font beaucoup plus (60 heures). Et pas question de faire grève sinon ils sont 50 sur le trottoir à attendre la place. J'ai toujours dit qu'il valait mieux venir ici avec des revenus de nos pays d'origine. Sinon, vivre au soleil peut aussi vite devenir un enfer. Il n'y a pas de chômage ici. De ce fait on ne connait pas le taux d'inoccupation des dominicains. Le problème des pays à forte population jeune, c'est justement le manque d'emplois, dans un pays où plus de 70% des travailleurs sont dans des entreprises de 1 ou 2 employés.
Maintenant, je préviens que je connais bon nombre d'étrangers qui vivent ici sans argent pour renouveler leurs papiers de résidence, ni pour rentrer dans leurs pays d'origine. Cela ressemble à l'Eldorado mais ce n'est pas l'Eldorado.
Lors des derniers Jeux olympiques de Rio, la République Dominicaine n'a rapporté qu'une seule médaille, le bronze en taekwondo. Comment cette victoire a t'elle été accueillie dans le pays ?
Luisito Pie a rapporté la seule médaille olympique à la République Dominicaine lors des jeux de Rio. Lorsque Félix Sanchez remportait la médaille d'or aux jeux de Londres en 2012, la liesse nationale était au niveau de la couleur de la médaille, mais pas seulement. La longue histoire entre Haïti et la République Dominicaine est émaillé d'incidents plus ou moins graves qui ont forgé une animosité plus ou moins forte, que certains ne peuvent masquer dans le quotidien. La situation économique et politique actuelle de Haïti provoque une fuite de ses ressortissants vers le pays voisin, plus riche, la République Dominicaine. A tel point de provoquer des tensions entre Dominicains et Haïtiens. Or, aujourd'hui, le seul vainqueur d'une médaille aux Jeux olympique de Rio est d'origine haïtienne, par son père. Certains ont dit qu'il aurait dû concourir pour Haïti. D'autres dominicains " refusent de croire qu'une personne avec des traces d'origine haïtienne peut partager une nationalité avec eux." (voici ce que l'on peut lire dans des journaux nationaux). Luisito Pie a rapporté la septième médaille olympique de l'histoire à la République Dominicaine, mais cette médaille sera sans doute celle qui fera grincer beaucoup de dents. La loi de régularisation des étrangers clandestins de 2015 prévoyait de supprimer la nationalité dominicaine à tous ceux qui étaient nés sur le territoire national mais dont les parents ou grands parents, d'origine étrangère, seraient rentrés illégalement dans le pays. Cela a provoqué des centaines d'apatrides, qui a tant été critiqué par la communauté internationale. Le père de Luisito Pie était-il légalement entré dans le pays ou non ?
Une chose est sûre. Dans le cas de Luisito Pie, après le gain de cette médaille de bronze, on ira pas chercher plus loin. Luisito Pie est et restera dominicain. Lors de sa victoire contre l'espagnol Jesus Tortosa, Luisito laissa paraître son amour pour la bannière dominicaine et cela devrait rassurer tous les sceptiques. Mais les réfractaires ont la peau dure. On ne va pas refuser une médaille quoi !
Certains clichés sur la République Dominicaine qui se sont révélés faux ?
Je n'en vois pas. Peut être ai-je eu la chance de bien connaitre ce pays par mon mariage, et que cela m'a permis de mieux le comprendre.
Quels conseils donnerais-tu aux personnes souhaitant s'expatrier dans le pays ?
Les conseils que nous donnons sur le forum de ½ûÂþÌìÌÃ, ce sont toujours les mêmes. Il faut pouvoir venir plusieurs semaines et quelques mois afin de sentir et goûter directement ce pays et ces gens. La gentillesse de sa population ne se reconnait pas dans les hôtels des plages de la République Dominicaine. Il faut s'imprégner des gens, de leur mode de vie et du fonctionnement de ce pays. Si cela peut satisfaire, il faut aussi étudier la faisabilité d'une affaire pour vivre convenablement. Concernant les biens à vendre, surtout se hâter de ne pas se presser. Tout se vend ici et pas grand chose ne s'achète. Il faut prendre son temps, faire son étude de marché, son business plan, demander, voir... Ce site ½ûÂþÌìÌà est une richesse pour tous ceux qui cherchent des réponses. Des expatriés ont réussis à s'implanter ici, d'autres non.Personnellement je reçois beaucoup de personnes chez moi qui sont à la recherche d'information. Je suis présent et disponible pour répondre à leurs questions.